Bon… on a compris, Jésus est ressuscité, on n’est quand même pas stupide, non ? Pourquoi Luc en remet-il une couche, comme si les disciples – et nous en passant – n’avions pas compris quoi que ce soit à cette vie nouvelle ? En effet, le chapitre 24 débute par l’apparition de messagers divins aux femmes qui viennent au tombeau, puis aux apôtres, puis aux disciples d’Emmaüs, et en final avec cette apparition du Ressuscité aux Onze. Décidemment la résurrection a du mal à passer, elle est inaudible, invisible et incroyable. Les trois « i » de la résurrection. Toutes les caractéristiques pour nous montrer qu’il faut avoir la foi pour y croire… et surtout avoir la patience du Christ ressuscité pour nous conduire à en découvrir la réalisation. Voyez plutôt ce qui e passe avec ce récit narré par Luc :
« Et eux racontèrent ce qui s’était passé sur la route et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain.
Comme ils parlaient ainsi, Jésus fut présent au milieu d’eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » Effrayés et remplis de crainte, ils pensaient voir un esprit. Et il leur dit : « Quel est ce trouble et pourquoi ces objections s’élèvent-elles dans vos cœurs ? Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Touchez-moi, regardez ; un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai. » A ces mots, il leur montra ses mains et ses pieds. Comme, sous l’effet de la joie, ils restaient encore incrédules et comme ils s’étonnaient, il leur dit : « Avez-vous ici de quoi manger ? » Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé. Il le prit et mangea sous leurs yeux. Puis il leur dit : « Voici les paroles que je vous ai adressées quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Ecritures, et il leur dit : « C’est comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour, et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. C’est vous qui en êtes les témoins. » (Luc 24, 35-48)
Paix et crainte se côtoient dans ces récits d’apparition : la paix donnée par Jésus répond à la crainte (de la manifestation divine) que ressentent les humains. En fait, ils sont littéralement terrifiés (ce verbe grec s’emploie aussi bien pour dire que l’on est terrifié ou que l’on frappé d’une forte passion) et effrayés (même mot que pour la crainte, la phobie). Il est à noter que la paix est donnée comme un don, un signe avant même que nous fassions quoi que ce soit. Et ça c’est juste beau et bon pour nous qui pourrions croire que Dieu cherche à nous terroriser simplement parce qu’il est Dieu, non c’est tout le contraire, Dieu est paix et amour comme le montre l’histoire de l’incarnation de sa présence à travers Jésus de Nazareth, son Fils.
L’information de la nouveauté ne parvenant pas à la raison ni au cœur des disciples, Jésus les accompagne une fois de plus dans une communion par le partage de la nourriture. Cette marque de la réalité du corps existant malgré la mort illustre de manière concrète le retour à la vie, mais symbolise aussi que la réalité corporelle ne suffit pas en elle-même et il est bon de communier ensemble autour d’une même table. (Oui, oui… nous pourrons le vivre à nouveau d’ici quelques semaines… patience).
C’est drôle parce que la joie exprime le fruit de la rencontre avec Dieu ; quand la joie est présente, c’est que Dieu est présent dans le cœur des gens rencontrés. Or, la joie est décrite comme insuffisante par elle-même pour exprimer la rencontre puisqu’ils sont encore incrédules et dans l’étonnement (mot qui peut aussi dire admiration).
« Alors il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Ecritures », cette magnifique métaphore d’ouverture de l’intelligence illustre ce qui se passe pour nous lorsque nous cherchons à comprendre ce qui nous est annoncé comme venant de Dieu. Pouvons-nous comprendre la résurrection qui englobe tous les énoncés de la foi chrétienne par notre seule intelligence ? Suffit-il pour croire de méditer les Ecritures et étudier si possible les textes dans leurs langues originales, en hébreu ou en grec ? Cette narration qui conduit à l’ouverture de l’intelligence des disciples par Jésus qui leur explique que le Christ devait souffrir selon les Ecritures nous montre que non. Paul parlera plus tard du renouvellement de l’intelligence (Romains 12, 2) pour connaître la volonté de Dieu. Il s’agit en effet de comprendre les Ecritures, donc bien d’accéder à un niveau de sens qui nous parvient par la lecture de textes, mais dont le sens nous est comme donné par Jésus, par l’Esprit.
Une fois encore, un tel récit nous fait du bien car il illustre fort à propos que l’annonce de l’incroyable résurrection est le fruit d’une rencontre spirituelle avec le Seigneur et que c’est plus un chemin de compréhension qu’un soudain déclic intellectuel. Cela n’a pas dû être évident pour les premiers disciples, même pour les femmes au tombeau, comme cela ne tombe sous le coup de l’évidence pour toutes les générations qui ont suivi Pâques.
Si je vous disais dans une précédente méditation que seuls 26% de la population résidant en Suisse croit en la résurrection, c’est que cela ne tombe sous le sens.
Alors cette ouverture de l’intelligence des disciples par le Christ n’est-elle pas une façon de nous dire qu’il attend de nous notre part de réflexion et de méditation pour intégrer chacun.e à notre manière cet incroyable message de Dieu. Si par le passé, le catéchisme répété suffisait à faire de nous de bon.nes chrétien.nes, je trouve génial aujourd’hui de ne plus croire automatiquement, mécaniquement… c’est une chance à saisir.
Oui, Seigneur, renouvelle mon intelligence afin que je comprenne, que je saisisse et sois tout à la fois saisi.e par cet étonnant message de vie que tu désires nous offrir comme un cadeau vivant.
Jean Biondina, pasteur