PAROISSE PROTESTANTE DE CRANS-MONTANA

 

Sous couvert de justice, une bande d’hommes déchaînés veut piéger Jésus en jetant à ses pieds une femme adultère. Jésus, finement, tranquillement, va les renvoyer à leur propre hypocrisie. Lisons ce passage fort instructif :
« Et Jésus gagna le mont des Oliviers. Dès le point du jour, il revint au temple et, comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les Pharisiens amenèrent alors une femme qu’on avait surprise en adultère et ils la placèrent au milieu du groupe. « Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils parlaient ainsi dans l’intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l’accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à tracer du doigt des traits sur le sol. Comme ils continuaient à lui poser des questions, Jésus se redressa et leur dit : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » Et s’inclinant à nouveau, il se remit à tracer des traits sur le sol. Après avoir entendu ces paroles, ils se retirèrent l’un après l’autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta seul. Comme la femme était toujours là, au milieu du cercle, Jésus se redressa et lui dit : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur », et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus. » (Jean chapitre 8, versets 1 à11).

#BalanceLaFemme ! On pourrait aisément imaginer la scène aujourd’hui avec des homme furibonds qui, gorges déployées, vocifèrent de sales injures à la femme prise en flagrant délit de coucherie. Elle a été surprise dans son action adultérine, certes, personne ne conteste la chose… mais on se demande qui l’a découverte, pour quelle raison et surtout… où est l’homme fautif, son partenaire du moment, où est-il ? Volatilisé, évaporé. S’il avait été surpris lui aussi, la scène aurait-elle eu le même effet ? Certes non, car « quand un homme commet l’adultère avec la femme de son prochain, ils seront mis à mort, l’homme adultère aussi bien que la femme adultère. » (Lévitique 20, 10). La lapidation est « égalitaire » et vise à ce moment les deux, homme et femme. Ici l’homme s’en tire bien, non seulement l’homme adultérin, mais aussi l’image de l’homme, car il n’est pas pris en faute, seule la femme l’est. Du moins, c’est ce que pourraient croire les accusateurs de la femme, les scribes et les Pharisiens, tous très instruits dans la Loi de Moïse. Or, les choses vont prendre une tournure toute autre et très instructive. Pas uniquement sur le plan de la doctrine, mais surtout sur la façon dont le message d’amour de la part de Dieu se manifeste à travers l’attitude et les paroles de Jésus.

Revenons au récit. Qu’y voit-on ? On nous raconte que Jésus est au mont des Oliviers, c’est le lieu pour lui du ressourcement dans la méditation et la prière. Là, il est proche de son Père… là, il est proche de la source de la vie. Il n’en reste pas à cette seule dimension de sa vie et va au temple, autre lieu public de la rencontre avec Dieu. Et il offre, comme maître spirituel, un enseignement. Cette mention peut paraître anodine, mais elle signifie qu’il donne au peuple le moyen de s’approprier des notions et une image de Dieu qui peut nourrir sa propre réflexion et sa foi. Mais son enseignement revêt très souvent des exercices pratiques. Et l’événement qui surgit tout à coup par l’arrivée de ces excités de la norme et la justice permet de bien comprendre le sens de son enseignement libérateur.

Remarquez les positions corporelles qui expriment des positionnements différents. Jésus est assis comme le maître qui enseigne toute personne venue l’écouter librement. Il est assis avec les autres, au même niveau. La femme jetée au centre du cercle d’enseignement comme un objet, comme un rejet… comme une question théologique. Jésus alors se lève pour aller à la rencontre de ceux qui ne le saluent même pas. Ce n’est pas une question de politesse, mais c’est pour être un vrai interlocuteur de ces perturbateurs. Jésus fait silence dans ce brouhaha… et il finit par se baisser… comme s’il revenait à son enseignement d’avant ou plus simplement pour rejoindre cette femme à terre. Et là, toujours en silence, il écrit sur le sol, sur la terre des hommes données en cadeau par le Seigneur. Il écrit des mots qui ne nous sont pas rapportés… tous les autres commandements pour rappeler que si tu désobéis à un seul commandement, tu faillis à tous les autres commandements aussi… mystère. Il est probable que ce soit mieux pour nous de laisser ouvert ce qui échappe à notre compréhension ici pour ne pas entrer dans une morale sur ce qui est bien ou non de faire. Toujours est-il, c’est que l’opération est réussie : un à un, du plus ancien au plus jeune, ils s’en vont après avoir entendu Jésus leur dire cette fameuse phrase : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ». Le plus âgé a assez d’expérience pour savoir que la pierre qu’il tient dans sa main pèse une tonne de responsabilité face à cette femme qu’il condamne. Il s’en déleste, car il est renvoyé à sa propre histoire, à ses propres fautes. Le bruit de sa pierre qui chute en terre résonne aux oreilles des suivants et petit à petit, ils se mettent à renoncer, l’un après l’autre, à exercer une domination sur l’autre, objet de leur colère.

La libération n’est pas loin pour la femme. Un dialogue suit cette désertion. On imagine Jésus qui relève juste la tête vers la femme, qu’il a gardé baissée vers la terre en signe d’humilité. Regard bienveillant vers elle qui en manquait cruellement jusqu’ici. Que va-t-il me dire, Jésus ?… peut-elle alors se demander. Il se redresse, parce qu’il la redresse. Moi non plus je ne te condamne pas. Je te dis d’aller en paix, mais ne pêche plus. Cette dernière invitation de Jésus de ne plus pécher montre bien qu’il n’est pas dupe, il sait ce qu’elle a fait et qu’on peut le lui reprocher selon la loi mosaïque. Mais il l’envoie vers la vie et vers ses choix à opérer différemment maintenant qu’elle est debout à nouveau.

Moi aussi je peux me retrouver dans le cercle du jugement des autres et pas forcément à tort, comme la femme du récit biblique. Pourtant le message qui nous est donné par Jésus, c’est qu’un changement dans ma vie est possible, qu’il doit venir de moi et du fait de me sentir pardonné par Dieu lui-même. Le cercle de mort est brisé et le chemin nouveau s’ouvre à moi et à toutes celles et tous ceux qui vivent de cette même espérance en Christ.

Jean Biondina, pasteur