PAROISSE PROTESTANTE DE CRANS-MONTANA

 

On suit toujours quelqu’un au cours de son parcours de vie. On vient après les autres qui fréquemment nous influencent plus qu’on ne le croit. Que ce soit dans nos choix culturels, politiques, de mode, de goût musicaux, etc… est-ce bien vrai ? Sommes-nous donc des moutons bien obéissants ?

Que dire alors quand Jésus parle de nous comme des brebis qui suivent un berger ? Ecoutons ce passage biblique :

« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans l’enclos des brebis mais qui escalade par un autre côté, celui-là est un voleur et un brigand.  Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis. Celui qui garde la porte lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix ; les brebis qui lui appartiennent, il les appelle, chacune par son nom, et il les emmène dehors. Lorsqu’il les a toutes fait sortir, il marche à leur tête, et elles le suivent parce qu’elles connaissent sa voix. Jamais elles ne suivront un étranger ; bien plus, elles le fuiront parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers. » Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas la portée de ce qu’il disait. » Jean 10, 1-6

Dans son Discours de la servitude volontaire, Etienne de La Boétie s’étonne dès 1574 de la faculté d’un peuple à se soumettre à une autorité absolue, voire à un tyran. Ceci en portant son attention plus sur l’incapacité de la population à se révolter plutôt que sur le pouvoir même des tyrans. Pourquoi céder sa liberté à un seul au lieu de la désirer pour se libérer de toute servitude ?

Est-ce que Jésus offre sa parabole sur le berger pour nous asservir ou pour nous libérer ? S’il nous libère, mais alors de quoi ? Voyons d’un peu plus près cette parabole du berger.

Les acteurs définissent des actions propres à créer ou non une dynamique d’ouverture. Les voleurs ou brigands ont un rôle sombre, négatif, centré sur leur besoin de posséder ce qui appartient à d’autres. Ils ne pensent qu’à leur propre intérêt. Les deux autres rôles que sont le berger et le gardien (ne pas omettre le gardien dans cette histoire) participent au bonheur des brebis qui pourront sortir au grand air et se nourrir avec joie. Pour le décor, il nous est proposé une porte, un enclos et un endroit indéfini mais clair : ce qui est dehors. La question des passages empruntés est cruciale ici. Soit on passe par la porte visible et connue de tous, soit on cherche à escalader l’enclos de manière discrète et illicite, par une porte dérobée.

Ce qui fait la différence entre les voleurs qui se cachent pour mener leur larcin et le berger, c’est la connaissance de chacune des brebis. Ici la voix joue un rôle prépondérant. Le berger établit des relations avec le gardien qui le voit et lui ouvre la porte, avec les brebis qu’il nomme chacune par un nom spécifique. Ainsi chacune est reconnue par une identité propre. Ce n’est pas un troupeau de bêtes, mais ce sont des brebis qui écoutent, sont rassurées par la relation respectueuse du berger à leur égard et qui se sentent aimées.

Une fois la relation établie, le berger dont Jésus nous parle se place en tête, il entraîne les brebis vers de verts pâturages. « Le SEIGNEUR est mon berger, je ne manque de rien. Sur de frais herbages, il me fait coucher ; près des eaux du repos, il me mène, il me ranime. Il me conduit par les bons sentiers, pour l’honneur de son nom. Même si je marche dans un ravin d’ombre et de mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi ; ton bâton, ton appui, voilà qui me rassure. » (Psaume 23). Ce berger est un guide qui prend soin des brebis confiées.

Qui sont les voleurs ou brigands de la parabole de Jésus ? A n’en pas douter, et la caricature a de quoi les faire sauter au plafond du Temple de Jérusalem (et il est haut !!!)… ben, ce sont les Pharisiens et les maîtres de la Loi. D’un côté on pourrait s’attendre à ce que ce soit Jésus qui se trouve dans ce rôle du Robin des bois libérateur, lui qui casse souvent les codes bien établis ; il pourrait bien franchir les enclos de nos pensées toutes faites pour casser les références établies servant à dominer les braves brebis bien parquées dans leur enclos rassurant. Ce que dénonce à sa manière Etienne de La Boétie au 16e siècle. Mais non. Dans cette parabole Jésus ne vise pas la docilité des brebis qui devraient être soumises au berger. Il pointe son regard sur les abus de voleurs qui s’emparent de ce qui ne leur appartient pas. Les puissants de ce temps se servent dans l’enclos sans égard pour les brebis qui ne sont après tout que du bétail indifférent.

Par cette douce et bucolique parabole, Jésus dénonce publiquement les abus de tous ceux qui cherchent à dominer les autres dans un régime religieux, quel qui soit, où plus encore tous ceux (et c’est souvent mis au masculin !!!) qui mettent en place un système ou le simple citoyen n’est plus qu’un pion dans un système qui le dépasse, le domine et le dévore.

Avec cette pandémie nous assistons à un changement considérable du rôle du politique. Ce dernier est en avant-scène de toute décision importante sur le vivre ensemble, allant jusqu’à réduire la liberté des uns et des autres par un confinement plus ou moins stricte. L’économie qui avait une forte prédominance dans les choix jusqu’à présent, est passée après les risques humains. On ne peut que s’en réjouir grandement. Arrivera le temps où la courbe de pandémie s’infléchira vers le bas et où nous sortirons de cette crise. Que ferons-nous alors de ce que nous disons de bien aujourd’hui sur nos choix de société ? Que ferons-nous de nos résolutions de vivre autrement ?

Mais à propos du portier de la parabole, de qui peut-il bien s’agir ?

On ne nous dit rien de lui. On sait qu’à l’époque de Jésus, on parquait les troupeaux durant la nuit dans des enclos fermés par sécurité contre les bêtes sauvages… ou les voleurs. A l’image de la parabole, le berger ne va pas venir en pleine nuit pour faire paître son troupeau. Il ne viendra que quand il fait jour. Alors que le voleur peut venir en tout temps à la dérobée. D’où le rôle préventif du discret portier. Et si le portier représentait les auditeurs de la parabole qui se mettent à écouter Jésus ? Et si c’était nous, ces portiers ?

Pas portier de la vérité, ça on peut le laisser à Dieu, au Christ. Alors portier de quoi ? Simplement portier qui veille à ce que les brebis, que nous sommes toutes et tous, aient droit à l’égard que réserve le berger à chacune de ses brebis. Quand nous avons affaire, par exemple, à des brigands de la spiritualité qui prétendent connaître ce que Dieu veut pour chacun et qui terrorisent plus qu’ils ne permettent d’entendre la voix du berger, nous sommes appelés à être portier qui n’ouvre pas sa porte à ceux-là, portier qui dénonce une telle attitude.

En ces jours où nos portes sont plutôt closes qu’ouvertes, ne fermons pas celles du cœur et de l’intelligence. Laissons-nous rassurer par la voix du Christ qui libère et fait grandir.

Jean Biondina, pasteur