Aveu de faiblesse ou force de l’expression de sentiments profonds ? Les pleurs de Jésus face au tombeau où est déposé le corps de son ami Lazare impressionnent.
Le texte de ce jour est trop long pour être reproduit ici in extenso. Je ne vais mentionner que quelques passages et vous laisse lire le tout dans Jean 11.
« Il y avait un homme malade ; c’était Lazare de Béthanie, le village de Marie et de sa sœur Marthe. Il s’agit de cette même Marie qui avait oint le Seigneur d’une huile parfumée et lui avait essuyé les pieds avec ses cheveux ; c’était son frère Lazare qui était malade. Les sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. Dès qu’il l’apprit, Jésus dit : Cette maladie n’aboutira pas à la mort, elle servira à la gloire de Dieu : c’est par elle que le Fils de Dieu doit être glorifié. »
Deux jours se passent, Jésus semble retarder le moment de la rencontre. Il décide de se rendre au chevet du mourant et dit à ses disciples qui veulent éviter de retourner en Judée à cause du risque de lapidation :
« Notre ami Lazare s’est endormi, mais je vais aller le réveiller. » Les disciples lui dirent donc : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » En fait, Jésus avait voulu parler de la mort de Lazare, alors qu’ils se figuraient, eux, qu’il parlait de l’assoupissement du sommeil. Jésus leur dit alors ouvertement : « Lazare est mort, et je suis heureux pour vous de n’avoir pas été là, afin que vous croyiez. Mais allons à lui ! »
Jésus arrive trop tard au village de Béthanie, Marthe la sœur de Lazare lui adresse des reproches et au sortir de ce premier dialogue Jésus lui dit : « Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » — « Oui, Seigneur, répondit-elle, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. »
Cette confession de foi est unique chez Jean (en dehors de la question de la Samaritaine : ne serait-ce pas le Christ ?).
Jésus poursuit alors sa visite et rencontre Marie qui était restée à la maison suivie des juifs venus la consoler. Face à eux Jésus frémit intérieurement et en est tout troublé. Devant le tombeau Jésus pleure. A nouveau des reproches lui sont adressés : « quelques-uns d’entre eux dirent : « Celui qui a ouvert les yeux de l’aveugle n’a pas été capable d’empêcher Lazare de mourir. »
Jésus frémit encore une fois et fait ouvrir le tombeau : « Enlevez cette pierre. Marthe, la sœur du défunt, lui dit : Seigneur, il doit déjà sentir … Il y a en effet quatre jours… ».
Le récit continue. Jésus prie et dit « Lazare, sors ! Et celui qui avait été mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus dit aux gens : Déliez-le et laissez-le aller ! »
La réaction des autorités face à cet indocile Jésus ne tarde pas ; ils complotent contre lui par crainte du regard des romains, lesquels pourraient imaginer une rébellion juive contre eux à cause du succès de Jésus. Les juifs sont divisés par rapport à Jésus.
Voilà en quelques phrases ce qui se passe dans ce récit de la résurrection de Lazare.
On peut noter quelques points saillants. Tout d’abord la relation de Jésus à son ami Lazare et ses deux sœurs. L’évangéliste souligne à plusieurs reprises que se sont des relations d’amour et même les juifs venus consoler les deux sœurs s’en émeuvent : « Voyez comme il l’aimait ! ».
Le prélude de la résurrection c’est bien l’amour. L’élan de la vie est fait d’amour. Les pleurs sont expressions de l’amour. N’ayons donc pas peur de nos pleurs quand ils traduisent l’amour pour l’autre. Ces pleurs expriment les liens qui se sont tissés avec le temps et ils ne disparaissent pas avec la séparation de l’autre mais prennent une autre forme.
On assiste à un malentendu entre le sommeil et la mort de Lazare. Mort et sommeil sont des cousins germains dans la Bible. Quand on laisse reposer son corps, quand on est fatigué, il peut sembler comme mort. Seule la respiration devient un indice que celui ou celle qui est observée dans son sommeil est encore des nôtres. Les anciens associent volontiers ces deux notions, tandis que Jésus annonce une résurrection après la mort, une vie qui n’est plus engloutie dans un sommeil sans fin. Il annonce l’espérance en disant à Marthe : Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » … avec la suite très importante pour elle… et pour nous : « crois-tu cela ? » Oui, la résurrection est affaire de foi, de croyance et non pas de science et de raison. Face à cette question, je suis invité.e à répondre et si ma réponse est positive, alors c’est le grand saut dans l’inconnu. Car qui sait ce que veut vraiment dire « je crois à la résurrection ». Cette foi nous dépasse et nous porte tout à la fois. Paul tentera de décrire cette résurrection par celle des nouveaux corps donnés dans 1 Corinthiens 15, mais il touche là à un mystère qu’il ne peut qu’effleurer.
Zut, il ne me reste que peu de place encore pour vous parler de…
Alors je mets en évidence le reproche sur les aveugles que Jésus a su guérir alors qu’à présent il est face à la mort de Lazare. Encore un coup de Jean avec cette allusion à la cécité qui est reprochée à Jésus alors qu’il s’agit en fait de l’empêchement de voir – par la foi – ce qu’est ce message d’espérance que Jésus nous donne. Miroir de nos cécités qui se logent dans les recoins de nos pensées, parfois les plus secrètes. Jésus le sait et il poursuit sa tâche.
Toute la description du redressement en vie de Lazare est un prélude à la résurrection qui arrivera au matin de Pâques : il est vraiment mort, les bandes et le linge sont ôtés, la libération des liens, le déliement et le laisser aller pour vivre à nouveau… tout cela c’est déjà Pâques.
Dans ce récit Jésus exprime ses émotions et nous entraîne à faire de même face à nos peurs, dont la plus extrême est la mort. Non pas la mort en tant que telle mais son approche, ce qui nous la fait sentir comme limite de ce que nous sommes vraiment : des êtres finis et limités dans le temps d’une vie finalement courte. Sans cette espérance, nous resterions poussières d’étoiles, éléments chimiques réduits à une transformation atomique. D’une étape à l’autre nous ne serions que le résultat d’un hasard non désiré, alors que la résurrection nous parle d’un amour inconditionnel de Dieu pour chacun.e d’entre nous. Ce Dieu qui se donne à connaître par Jésus qui est troublé par la mort de l’autre et probablement par sa propre mort qui prend forme devant lui avec Lazare enseveli. Un Dieu qui est atteint dans ses entrailles de Père et qui nous dit un amour incommensurable.
Cet amour résurrectionnel est pour toi aussi, ami.e lecteur.trice. Crois-tu cela ?
Jean Biondina, pasteur