PAROISSE PROTESTANTE DE CRANS-MONTANA

 

Mais où est Charlie ? Vous connaissez sans doute ces dessins où l’on trouve des milliers de personnages ou objets et dans lequel il faut chercher Charlie qui est toujours vêtu de la même manière. On est surpris à la fin de le retrouver. Il en va un peu de même dans ce récit de l’entrée triomphale de Jésus – qui lui ne passe pas inaperçu – à Jérusalem : qui peut bien s’attendre à voir apparaître des Pharisiens au milieu de cette foule exaltée ? Comme Charlie, ils se cachent afin qu’on les trouve. En tous cas, il n’y a que Luc qui mentionne leur présence discrète jusqu’au moment où ils n’en peuvent plus et cherchent à contenir les exaltations du peuple rassemblé : reprends tes disciples, Jésus, fais-les taire ! Lisons ce passage :

« Or, quand il approcha de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont dit des Oliviers, il envoya deux disciples en leur disant : « Allez au village qui est en face ; en y entrant, vous trouverez un ânon attaché que personne n’a jamais monté. Détachez-le et amenez-le. Et si quelqu’un vous demande : Pourquoi le détachez-vous ? vous répondrez : Parce que le Seigneur en a besoin. Les envoyés partirent et trouvèrent les choses comme Jésus leur avait dit. Comme ils détachaient l’ânon, ses maîtres leur dirent : « Pourquoi détachez-vous cet ânon ? » Ils répondirent : « Parce que le Seigneur en a besoin. » Ils amenèrent alors la bête à Jésus, puis jetant sur elle leurs vêtements, ils firent monter Jésus ; et à mesure qu’il avançait, ils étendaient leurs vêtements sur la route. Déjà il approchait de la descente du mont des Oliviers, quand tous les disciples en masse, remplis de joie, se mirent à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus. Ils disaient : « Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » Quelques Pharisiens, du milieu de la foule, dirent à Jésus : « Maître, reprends tes disciples ! » Il répondit : « Je vous le dis : si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront. » (Luc 19, 29-40)

Jésus fait donc une entrée fracassante à Jérusalem. On lui déroule le tapis rouge de l’époque : ânon en lien avec la prophétie de Zacharie (nous y reviendrons), vêtements à terre et branchages arrachés, les fameux rameaux. Plus encore avec l’attitude et les paroles de la foule en liesse qui donne un véritable sens d’entrée royale et triomphale de Jésus à Jérusalem.

Imaginez-vous dans cette foule. Vous étiez en train de vaquer à vos occupations, vous entendez des cris et vous voyez des gens courir un peu partout mais allant tous dans la même direction. Vous vous approchez et commencer à comprendre de quoi il s’agit ou du moins de qui il s’agit. Jésus passe tranquillement sur ce petit ânon, entouré des disciples tout à la joie qui lèvent les bras au ciel, qui les agitent pour dire à la foule de participer à cette jubilation collective. Vous n’avez rien pour signifier votre approbation, alors vous sautez sur place, vous ôtez votre manteau et vous vous avancez pour le poser à terre devant Jésus, mais pour cela vous devez vous faire une place, jouer des coudes, vous frayez un chemin dans cette cohue. Ça y est vous avez quelques mètres d’avance et vous posez à terre votre habit et vous poussez le « hosanna » qui est scandé par tous ces gens dont vous connaissez une bonne partie. C’est une jubilation encore plus grande quand vous apercevez quelques Pharisiens paumés dans cette cohue généralisée ; seraient-ils devenus disciples de Jésus eux-aussi ? Le cortège avance et vous voulez récupérer votre manteau. Ouf, il est là. Vous le prenez et restez un moment cloué sur place en ne comprenant pas vraiment ce qui vient de se passer. Médusé, dépassé, vous respirez profondément et avancez un pied après l’autre vers votre maison. Le silence est revenu, la ville semble apaisée. Vous voilà à présent chez vous. Qui venez-vous de célébrer ?

On peut en effet se poser bien des questions à ce sujet. Qui célèbre-t-on dans cette fête des Rameaux. Si du temps de Jésus on pouvait accueillir un roi, de quel roi est-il question ? On sait que les zélotes attendaient un roi fort et puissant pour bouter hors du pays les romains envahisseurs. On peut imaginer que les Pharisiens attendaient un Messie réalisateur de tout la Loi mosaïque, un nouveau Moïse, guide du peuple. En fait, n’en va-t-il pas de même pour nous : de quel Christ glorieux parlons-nous, attendons-nous ? Est-ce un Christ prêt à compenser mes manques, un Christ réparateur de vie ? ; est-ce un Christ vengeur qui enfin mettrait au pas tous ces mécréants que je vois autour de moi et qui ne respectent plus rien du tout ? Quelle image ai-je de ce Seigneur ? Entre-t-il dans ma vie triomphalement ?

Pour le prophète Zacharie, dont il est fait allusion ici, le Messie annoncé est un Messie de paix et non de guerre. Une Messie libérateur de la destruction de l’homme par l’homme ; il apporte la paix aux nations. Il est juste, victorieux et humble.

A n’en pas douter, nous aurons toujours une image tronquée de la véritable identité du Christ Jésus. Elle sera souvent imparfaite, partiale et partielle. Dans le fond, c’est bien en relisant les Ecritures que je peux petit à petit changer mon image de Jésus Sauveur et Seigneur.

Comme la foule qui jette aux pieds de Jésus un vêtement, des branches… pour former un chemin de reconnaissance de sa royauté divine, je suis sans doute invité.e à déposer devant lui des gestes intérieurs et personnels qui incline mon être reconnaissant. Car quand il entre à Jérusalem, ce n’est pas seulement pour faire de l’ordre dans le temple qui montrant de la sorte qu’il désire rétablir des relations simples avec Dieu (que le temple soit une maison de prière et non de commerce). Quand il entre à Jérusalem, il entre en passion pour l’humain en lui ouvrant une nouvelle voie, celle du don de soi qui prélude tout don et ouvre au partage.

Que déposerez-vous de votre personne, de votre vie devant ce Christ-là ?

Jean Biondina, pasteur