PAROISSE PROTESTANTE DE CRANS-MONTANA

 

Voici une autre petite histoire de Bruno Ferrero, qui nous encourage à inventer de nouvelles façons de vivre l’amitié en ces temps de « distance sociale » imposée…

Ce matin au bistrot, un homme assis à une table me regarde et me dit : « Toi le jeune, tu sais ce que c’est, l’amitié ? »  Je commence à répondre mais il m’interrompt : « Tu vois cet homme assis là-bas ? C’est mon meilleur ami. Nous sommes nés en 1939 et avons grandi ensemble. J’ai été son témoin de mariage et lui a été le mien. Nous avons acheté ensemble un domaine à cultiver et tous les jours nous venions dans ce bistrot et buvions un verre de blanc en lisant les nouvelles. C’est plutôt lui qui lisait parce que je ne sais pas lire, alors moi j’écoutais, toujours ensemble.

« En 1978 nous nous sommes disputés, on s’est même bagarrés et depuis ce jour on ne se parle plus. Même pas un salut. Eh bien, je te dis, depuis 1978, malgré tout, chaque jour nous venons ici, toujours à la même heure. Chaque jour nous nous voyons, nous ne nous saluons pas et nous sous asseyons à deux tables différentes. Nous prenons tous les deux un verre de blanc. Tous les jours, lui prend le journal et lit les nouvelles à haute voix. Les gens pensent qu’il est fou, mais je sais qu’il le fait pour moi. Depuis 1978… »

Source: “Un amico”, in La vita secondo l’aurora, dans la série “Piccole storie per l’anima” de Bruno Ferrero, 2014, éd. Elledici, Torino, p. 44s. Traduction libre par Jeff Berkheiser.