PAROISSE PROTESTANTE DE CRANS-MONTANA

 

Peut-on vraiment donner ce que l’on n’a pas sans jeter de la poudre aux yeux comme certains candidats politiques avant les élections ?

Dans le récit de ce jour qui se passe à Jérusalem après la résurrection de Jésus, on découvre le disciple Pierre en héros de la foi… comme on découvre aujourd’hui des héros dans la situation de crise que nous connaissons avec ce fameux Coronavirus. Inconnus hier, les voilà sous les feux de la rampe… malgré eux, il faut dire.

Imaginons un instant la scène, voici 2000 ans :
Ce jour-là… on l’avait apporté comme tous les matins vers la Belle-Porte, à l’entrée du Temple, car Isaac ne pouvait pas y aller à cause de son corps tout déformé. Moi, je m’y suis rendu un peu plus tard vers le coup des midis, j’étais pas trop motivé. Il y en avait des gens pressés ! Ils passaient devant nous en faisant semblant d’être très occupés. Certains, heureusement, nous donnaient une piécette ou deux en les jetant à nos pieds. Bon, faut dire qu’on ne passait pas inaperçu quand on criait à tue-tête : la charité par pitié, la charité… Les prêtres nous disaient souvent de baisser le ton, mais il fallait bien qu’on nous voie. Dieu vous le rendra au centuple, qu’on leur répondait quand on entendait une piécette tinter sur le sol près de nous.

Au bout de la journée, surtout les jours de grande affluence comme Pâque, on arrivait à se faire pas mal de pièces, alors dans ce cas, on n’avait pas forcément besoin de revenir le lendemain. Il faut dire que se tenir à la porte vers le temple n’était pas de tout repos. Du passage, de la poussière, du bruit avec les pèlerins qui allaient et venaient sans cesse, nous on devait se faire notre place en attirant l’attention le plus possible pour ne pas disparaitre dans l’agitation générale. En plus, il faisait chaud, on avait soif et faim. Bref, si on pouvait ne pas se rendre un jour au Temple pour mendier, cela nous allait bien.

Or, ce jour-là, on voit passer un adepte de la nouvelle secte de Jésus le Nazaréen. Lui et les siens, venaient régulièrement prier au Temple à ce qu’on disait, c’était des gens zélés pour Dieu. Ils disaient que leur Jésus n’était pas mort et ils en parlaient largement autour d’eux, malgré les interdictions du grand-prêtre. Le plus grand avançait tranquillement vers la porte, il avait une allure noble pour un simple gars du peuple. C’était étonnant. En le voyant de loin, entouré de ses amis, j’ai dit à mon pote d’infortune Isaac : tu vois ce gars, on en parle de plus en plus, je crois qu’il s’appelle Simon ou Pierre, je sais plus. Eh bien faut pas le louper, il aura sans doute quelque chose à nous donner. Tiens-toi un peu de travers pour qu’il voie ta bosse, ça peut nous être utile. Contre toute attente, on n’a pas eu besoin de crier cette fois-ci. Il a fait de lui-même halte vers nous…

« Pierre et Jean montaient au temple pour la prière de trois heures de l’après-midi. On y portait un homme qui était infirme depuis sa naissance-chaque jour on l’installait à la porte du temple dite La Belle Porte pour demander l’aumône à ceux qui pénétraient dans le temple. Quand il vit Pierre et Jean qui allaient entrer dans le temple, il les sollicita pour obtenir une aumône. Pierre alors, ainsi que Jean, le fixa et lui dit : « Regarde-nous ! » L’homme les observait, car il s’attendait à obtenir d’eux quelque chose. Pierre lui dit : « De l’or ou de l’argent, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ, le Nazôréen, marche ! » Et, le prenant par la main droite, il le fit lever. A l’instant même les pieds et les chevilles de l’homme s’affermirent ; d’un bond il fut debout et marchait ; il entra avec eux dans le temple, marchant, bondissant et louant Dieu. Et tout le peuple le vit marcher et louer Dieu. On le reconnaissait : c’était bien lui qui se tenait, pour mendier, à la Belle Porte du temple. Et les gens se trouvèrent complètement stupéfaits et désorientés par ce qui lui était arrivé. » (Livre des Actes, chap. 3, versets 1 à 10)

Cette rencontre commence par un silence. Le mendiant montre sa situation en tendant sa main et Pierre porte toute son attention vers cet homme qu’il ne connaît pas. Le verbe grec employé ici nous dit que Pierre est tendu fortement, d’où avoir les yeux tendus vers. Cela marque un regard soutenu pour cet homme. Et la suite va dans ce sens quand Pierre ajoute : regarde-nous ! Tout commence par ce regard, parce qu’à l’inverse quand on ne veut pas commencer une relation ou éviter quelqu’un que l’on connait, on détourne son regard. Ce n’est pas le cas de Pierre.

S’ensuit une vraie rencontre. Pierre commence par se situer : je n’ai ni argent ni or… c’est-à-dire que je n’ai aucun pouvoir dans cette situation, je viens tel que je suis à ta rencontre. Il lui dit simplement les limites qui sont les siennes, il les reconnaît et s’en satisfait. De ce fait, il ne va pas répondre à sa demande. Il ne lui donnera pas ce qu’il attend, il l’invitera plutôt à la découverte, lui qui vient tous les jours dans ce lieu où il n’a pas sa place. Il est déformé dans son corps, il est infirme et ne peut se présenter à Dieu dans le temple du fait de son infirmité. Il en est exclu depuis toujours.

Pour faire court, on peut dire que Pierre lui donne ce qui – à ses propres yeux – vaut bien plus que tout l’or du monde. Il lui donne une parole et lui tend la main… ce que j’ai, je te le donne… au nom de Jésus… marche. Il lui redonne la vie sociale, la vie debout d’un homme rétablit, re-suscité dans sa pleine humanité. Ce qui met en route Pierre, c’est-à-dire sa foi en Jésus-Christ, il l’offre à ce mendiant, à cet exclu qui se dresse et peut enfin entrer dans le temple, lui qui jamais de sa vie n’a pu le faire.

Quand je suis arrêté.e dans ma vie par des situations qui me dépassent, aujourd’hui par un virus dont les effets me paralysent voire me terrorise… une « main* », celle du Seigneur, celle de mes frères et sœurs dans la foi s’approche et se fait soudainement amie. Est-ce que je me laisse entrainé dans ce mouvement d’espérance ou est-ce que je préfère rester dans ma place, ma situation, celle que je connais, alors que cette « main* » risque de m’entraîner ailleurs, vers un inconnu qui pourrait me déstabiliser (ses pieds et ses chevilles s’affermirent).

Je vous laisse à la Belle-Porte de la vie donnée par le Christ et je vous souhaite de marcher et de vivre de l’espérance qu’il nous donne. Portez-vous bien dans cette espérance.

Jean Biondina, pasteur

*­_ évidemment que pendant cette crise, il est préférable de penser ce passage biblique de manière symbolique et d’éviter toute main tendue sous cette forme.