Le mot épreuve, en dehors des épreuves scolaires qui se sont volatilisées ces jours-ci, est plutôt un mot pénible à entendre, alors quand on veut y coller le mot « joie », cela devient carrément antinomique. Comment peut-on imaginer que la joie puisse se conjuguer avec l’épreuve, la difficulté, l’adversité ?
Lisons un passage dans une des épitres que l’on trouve au fin fond du nouveau testament :
« … C’est ce qui fait votre joie, même si maintenant, puisqu’il le faut, vous êtes pour un peu de temps attristés par diverses épreuves. Ainsi, la valeur éprouvée de votre foi — beaucoup plus précieuse que l’or, qui est périssable et que l’on soumet pourtant à l’épreuve du feu — aura pour résultat la louange, la gloire et l’honneur lorsque Jésus-Christ apparaîtra. Vous l’aimez sans l’avoir vu, vous croyez en lui sans le voir encore et vous vous réjouissez d’une joie indescriptible et glorieuse parce que vous obtenez le salut de votre âme pour prix de votre foi. » (1 Pierre, 1, 6-9)
La lettre débute par une salutations classique et enchaîne sur des exhortations diverses pour tenir dans la foi en Christ. Les premiers chrétiens réunis dans de petites communautés devaient se soutenir fortement pour pouvoir durer. Le risque de disparaître était omniprésent. Surtout que le message de la bonne nouvelle annonce un Jésus victorieux de la mort par la résurrection et que la glorieuse victoire sur les forces du mal ne se traduit pas – pas encore – dans le monde comme un coup de baguette divine.
Je rencontre au cours de mon ministère des croyants qui doutent de la pertinence de leur foi quand ils rencontrent des épreuves. Comment se fait-il que Dieu les ait abandonnés au moment où ils en avaient le plus besoin. On pourrait aussi inverser le regard dans le temps de l’épreuve : où est-ce que je me situe quand l’épreuve, l’adversité m’atteint ? Est-ce que je compte sur Dieu et est-ce que je lui remets ce qui me pèse ou me détruit. Dis autrement, ne croyons-nous en Dieu que par beau temps ou croyons-nous par tous les temps ?
Il est question dans cet écrit biblique de la valeur éprouvée de votre foi. La foi, dans sa définition, est le cœur de la relation à Dieu. Sans la foi rien ne se passe. La foi est cette confiance que Dieu est présent sans que mes sens ou la raison m’en donnent une quelconque garantie. La foi, c’est vivre la voltige de la vie sans filet, c’est avancer sur le chemin sans boussole et sans sécurité. Elle est cette graine plantée en terre qui disparait au regard humain pour faire pousser une plante qui d’abord est cachée, enfouie dans un monde non visible. La seule manière de vérifier son existence en soi, c’est de vivre sa vie en confrontation aux défis de l’existence avec en soi les paroles du Christ qui vit et résiste à la mort. Si je crois que Jésus a vaincu la mort, alors je peux moi aussi affronter la vie avec cette même espérance.
En fait, je pense que la foi n’a aucune raison d’exister en ce monde sans être confrontée au réel. Sans une mise à l’épreuve, la foi n’est qu’un sentiment confortable pour gens bourgeois. La foi, la confiance en Dieu, est la condition du croyant en attendant que tout se réalise pleinement dans une vie qui ne finira jamais, la vie éternelle. La foi nous rappelle en attendant que nous ne voyons pas de nos propres yeux la présence même de Dieu, il échappe à notre regard, mais il est tout de même présent. Et une des traces de sa présence est la joie partagée, la joie du partage.
Soyez toujours dans la joie ! (1 Thessaloniciens 5,16) est une drôle d’injonction si nous la prenons comme une obligation à faire bonne figure devant les autres, tandis que si la joie c’est de laisser Dieu venir en soi, cette joie peut nous combler d’une présence qui se dérobe à nos sens et à notre intelligence dans un premier temps, qui est indicible et pourtant bien là.
Jean Biondina, pasteur